Medtech: «Monsieur Prix» appelle à un registre des prix

Passer du simple au double pour un implant cardiaque ou orthopédique: une enquête du Surveillant des prix, Stefan Meierhans, auprès de 67 hôpitaux suisses révèle des écarts de prix considérables.

, 30 janvier 2025 à 16:30
image
Stimulateur cardiaque, pacemaker | Image: © Peter Dazeley via Getty Images
Le Surveillant des prix a publié dans sa newsletter de nouvelles données qui recensent et comparent les prix des implants orthopédiques et cardiaques auprès de 67 hôpitaux suisses. «Monsieur Prix» entendait ainsi analyser le marché, comparer les pratiques d'achat et identifier d'éventuelles disparités de prix pour des modèles identiques.

Hausse marquée des dépenses

Avec un nombre d’implantations en constante augmentation, les dépenses des hôpitaux ont connu une hausse considérable, en grande partie assumée par les cantons et les assureurs maladie. Ainsi, entre 2013 et 2023, le nombre de prothèses de hanche implantées a augmenté de 44%, tandis que celui des prothèses de genou a progressé de 59%.
Les implantations de stimulateurs cardiaques ont, sur la même période, enregistré une hausse de 31%, et celles de défibrillateurs cardiaques de 19%.
image
Source: SIRIS registre suisse des implants hanche et genou 2024 (données pour la Suisse et Liechtenstein), tableau 4.1, p. 32 et tableau 4.6, p. 41; Statistiques annuelles de la Fondation Suisse de Rythmologie
En 2023, le coût total de ces interventions s'est élevé à près d’un milliard de francs. Ces dépenses sont principalement concentrées dans les grands hôpitaux universitaires pour les implants cardiaques et dans les cliniques spécialisées pour les implants orthopédiques.

Manque de transparence

Les établissements de santé apparaissent particulièrement dépendants de l’industrie des dispositifs médicaux, un marché dominé par quelques grands fournisseurs. Les négociations de prix se font directement entre hôpitaux et fournisseurs. La plupart des établissements ne travaillent qu’avec trois fournisseurs en moyenne par type d’implant, et les appels d'offres publics ne sont utilisés que dans 7% des cas.
«En Suisse, comme dans de nombreux pays, il existe un lien étroit entre les fournisseurs d'implants médicaux et les chirurgiens.» — Stefan Meierhans.
Un des défis majeurs du secteur: l’asymétrie d’information. «C’est surtout le manque de transparence sur les prix qui entrave la capacité des hôpitaux à optimiser leurs achats, à négocier des prix compétitifs et à garantir une utilisation efficace des ressources», écrit Stefan Meierhans. «D’ailleurs, en Suisse, comme dans de nombreux pays, il existe un lien étroit entre les fournisseurs d'implants médicaux et les chirurgiens.»
Face à cette problématique, les hôpitaux se sont progressivement organisés: en 2017, seuls 25 à 30% des hôpitaux de soins aigus faisaient partie de communautés d’achat, ils sont environ 72% aujourd’hui.

Écarts de prix considérables

L’étude révèle des écarts de prix significatifs pour des implants identiques. Pour un même composant de prothèse de hanche, la différence entre le prix minimum et le prix maximum varie d’un facteur de 1,8 à 2,9 pour une tige fémorale et de 1,9 pour une cupule.
Concernant les prothèses de genou, l’écart de prix atteint un facteur de 3,8 pour un modèle et de 6,1 pour un autre.
Prix d’achat d’une prothèse totale de genou (deux fournisseurs différents):
image
Source: Surveillant des prix, Rapport de janvier 2025
Les écarts sont également marqués pour les implants cardiaques:
  • Un stimulateur cardiaque peut coûter jusqu’à 4,5 fois plus cher d’un hôpital à l’autre.
  • Tandis qu'un défibrillateur cardiaque du même fournisseur présente un écart de prix d’un facteur de 2.
Prix d’achat d’un stimulateur cardiaque du même fournisseur:
image
Source: Surveillant des prix, Rapport de janvier 2025
Si ces variations peuvent être attribuées à des facteurs tels que le volume d'achat ou les spécifications techniques, «aucune corrélation claire entre les volumes commandés et les prix n’a été constatée», souligne l’étude.
Une explication probable réside dans les pratiques de «segmentation du marché mises en place par les fabricants, qui tendent à exploiter les différences de pouvoir de négociation et de capacité à payer des différents hôpitaux».

Prix élevés en Suisse

Que la Suisse paie des prix particulièrement élevés pour les implants médicaux est un fait bien connu. Le Surveillant des prix s'était déjà penché sur la question en 2007. Une étude menée par l’équipe de «Monsieur Prix» à l’époque avait révélé que, pour un même stimulateur cardiaque, les prestataires de santé en Allemagne ne payaient que 54% du prix suisse, tandis qu'en France, ce même appareil coûtait 47% du tarif pratiqué en Suisse. L'Italie et l'Autriche affichaient également des prix nettement inférieurs.
Aujourd’hui encore, d’après l’enquête du Surveillant des prix, 93% des hôpitaux suisses interrogés estiment que les prix des implants médicaux sont trop élevés par rapport aux standards européens.

Opacité des prix

Des enquêtes menées par les journaux du groupe Tamedia avaient déjà mis en évidence ces écarts. Les journalistes du «Tages-Anzeiger» et de la «Berner Zeitung» ont étudié le cas du stimulateur cardiaque Edora 8 DR-T de Biotronik.
Les services de santé et les hôpitaux contactés ont refusé de divulguer le prix payé, invoquant des clauses de confidentialité contractuelle. Cependant, des sources internes ont fourni des estimations pour la période 2018–2020, révélant des variations considérables. Les prix payés par appareil oscillaient entre 2’900 et 12’900 francs, soit une différence de 10’000 francs.

Clauses commerciales complexes

Les écarts de prix s’expliquent aussi par des clauses commerciales complexes: regroupement de produits, remises en fonction des volumes d’achat, ou encore conditions liées à l’achat d’autres dispositifs médicaux auprès du même fabricant.
Ces mécanismes rendent toute comparaison de prix difficile pour les acheteurs individuels.

Pistes d’amélioration

Face à ces constats, le Surveillant des prix propose sept mesures pour renforcer la transparence et optimiser les coûts :
  1. Créer un registre national anonymisé des prix d’achat effectivement payés, accessible uniquement aux autorités, aux hôpitaux et aux assureurs maladie.
  2. Instaurer une obligation légale pour les fournisseurs de détailler la composition des prix, aussi bien lors des négociations que dans les contrats.
  3. Réduire l’influence des chirurgiens dans le choix des implants, en favorisant des critères fondés sur les besoins des patients.
  4. Encourager les importations parallèles en simplifiant la réglementation et en appliquant des sanctions contre les pratiques anticoncurrentielles.
  5. Renforcer la collaboration intercantonale en matière de groupements d’achat.
  6. Fixer un nombre minimal de cas pour les principales catégories d’implants, afin de garantir une expérience suffisante et potentiellement réduire les coûts.
  7. Accroître le contrôle des cantons sur les hôpitaux publics, notamment en ce qui concerne les procédures d’appel d’offres.

Partager l'article
  • Share
  • Tweet
  • Linkedin
  • Whatsapp
  • Telegram
Commentaire

Abonnez-nous et recevez notre newsletter chaque semaine.

ou

Quelle est votre profession?

Où travaillez-vous?*

undefined
undefined

*Ces informations sont facultatives et seront traitées de manière anonyme.
Pourquoi les demandons-nous?
Medinside vous offre un service gratuit d'informations et de contributions. Pour maintenir ce service, nous dépendons de la publicité. Notre objectif est que vous ne voyiez sur Medinside que des publicités pertinentes, adaptées à vos centres d'intérêt. En recueillant des informations sur le profil général de notre audience et en les traitant de manière anonyme, nous permettons à tous d'en bénéficier: vous, chers lecteurs et chères lectrices, ainsi que nos partenaires et nous. Merci!


Plus d'informations sur ce sujet

image

La Suisse au cœur des échanges européens d’organes

Depuis dix ans, la plateforme FOEDUS facilite les transplantations entre 25 pays européens, dont la Suisse. En 2024, 15 enfants y ont reçu un organe d’un donneur décédé, dont six grâce à des dons en provenance de l’étranger.

image

Hôpital de La Tour: nouveau directeur du Centre NeuroKnife

Marc Levivier prend la tête du centre dédié à la radio-neurochirurgie du système nerveux, crânien et spinal.

image

Première pose de prothèse de hanche robot-assistée en Suisse

Après plusieurs centaines d’interventions du genou assistées par robot, l’Hôpital Riviera-Chablais franchit un cap en réalisant la toute première pose d’une prothèse totale de hanche robot-assistée en Suisse.

image

Améliorer la communication au bloc avec un simple autocollant

Et si chaque membre de l’équipe chirurgicale portait un autocollant avec son prénom et sa profession? Cette initiative simple, mais efficace, pourrait bien améliorer la communication, la cohésion et la sécurité en salle d’opération.

image

Cancer du foie: un pas de plus vers une rémission totale?

Une étude internationale, menée par les HUG et l’Université de Genève, révèle qu’un intervalle bien défini entre immunothérapie et transplantation hépatique pourrait maximiser les chances de rémission totale du carcinome hépatocellulaire.

image

Près de 7 millions de francs pour le dépistage du cancer à Genève

Le canton de Genève renouvelle son engagement et prévoit d’allouer près de 7 millions de francs à la Fondation genevoise pour le dépistage du cancer sur la période 2025-2028.

Du même auteur

image

Réinsertion et santé mentale: Fribourg mise sur la coordination

Le centre d'accueil La Tuile et le Réseau fribourgeois de santé mentale signent une convention pour renforcer la complémentarité de leurs accompagnements, entre hébergement, soins et suivi social.

image

Le personnel infirmier français devrait gagner en autonomie

Consultations, diagnostics, prescriptions: en France, les infirmières et infirmiers devraient bientôt voir leurs compétences élargies grâce à une nouvelle loi adoptée à l'unanimité par l’Assemblée nationale.

image

Les EMS face à la pandémie: protéger sans isoler?

Interruption des visites, tests insuffisants, manque de matériel… Les EMS genevois ont été en première ligne face à la pandémie. Une étude analyse les stratégies mises en place et questionne l’efficacité des mesures les plus strictes.