L’ambition de Migros dans le secteur de la santé

Alors que Migros développe son activité dans la santé, l’exemple américain, où les détaillants participent aux soins de base, éclaire les possibilités et défis de ce modèle en Suisse.

, 30 décembre 2024 à 10:18
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Image symbolique: Medinside (réalisé avec Midjourney).
Migros a massivement développé ses offres de santé au cours des dernières années à travers des marques comme Medbase, Zur Rose, Impuls, Misenso ou WePractice. Le groupe de commerce de détail est désormais présent dans un nombre croissant de segments du secteur de la santé. Medbase, la principale filiale Healthcare de Migros, réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires de plus d’un milliard de francs grâce à ses cabinets, centres et pharmacies. Cela représente davantage que ce que réalisent, par exemple, des acteurs comme Swiss Medical Network.
Toutefois, le géant orange a quelque peu ralenti le rythme de son expansion. Premièrement, Fabrice Zumbrunnen – auparavant principal promoteur des activités de santé au sein de l’entreprise – a quitté son poste de directeur du groupe Migros en avril 2023 pour rejoindre Swiss Medical Network. Deuxièmement, la nouvelle direction de la Fédération des coopératives Migros (FCM) travaille à recentrer le groupe sur son activité principale. Pourtant, la santé reste un domaine qu’elle considère comme prioritaire.

30% de fournisseurs «d’un nouveau genre»

Une contribution récente d’un groupe de professeurs des universités américaines de Harvard et de Caroline du Nord s’avère particulièrement pertinente dans ce contexte. Selon eux, la collaboration entre détaillants et prestataires de soins classiques offre encore un fort potentiel. Ce que nous avons vu jusqu’à présent n’est qu’un début.
Un chiffre marquant: selon le cabinet de conseil en stratégie Bain & Company, les fournisseurs «non traditionnels» pourraient couvrir près d’un tiers des besoins en médecine de base d’ici 2030 – du moins aux États-Unis.
Robert S. Huckman, Vivian S. Lee et Bradley R. Staats identifient dans leur article divers domaines où les détaillants et les systèmes de santé pourraient collaborer plus étroitement.
L’essor de ce concept a commencé il y a une vingtaine d’années aux États-Unis, lorsque les détaillants ont introduit des services médicaux dans leurs magasins, tels que des tests et des conseils. Leur objectif: attirer davantage de clients dans les centres commerciaux ou supermarchés, mieux exploiter les surfaces de vente et vendre de nouveaux produits liés à la santé. Par conséquent, l’offre de compléments alimentaires, de vitamines et autres produits similaires s’est considérablement élargie.
La phase suivante a consisté à offrir un suivi pour les maladies chroniques, assuré par des groupes tels que Walmart, Walgreens ou CVS, parfois accompagné de conseils psychologiques et d’autres services de soins médicaux de base.
Aujourd’hui, des entreprises comme Costco et Amazon proposent à leurs clients porteurs de cartes de fidélité des services Telemed (à prix coûtant) abordables.
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Photographie instantanée prise à la Migros de la Limmatplatz à Zurich  |  Image: PD MGB
D'un autre côté, les groupes hospitaliers développent des programmes diététiques qu'ils commercialisent ensuite de façon standardisée via des chaînes alimentaires partenaires, si bien qu'ils n'ont plus qu'à envoyer leurs patients au supermarché. Autrement dit, il s'agit d'une prescription au double sens du terme.
L'entreprise de livraison de nourriture Instacart a également entamé un partenariat avec le Boston Children's Hospital et les hôpitaux Mount Sinai; elle livre ainsi des menus adaptés aux personnes souffrant d'hypertension, de diabète ou de problèmes rénaux.
Citons également l'exemple des kiosques de santé que le ministre allemand de la Santé, Karl Lauterbach, souhaitait mettre en place dans tout le pays. Le personnel soignant pourra y dispenser des conseils de base et des offres de prévention. Ces «kiosques» seront installés dans des zones et des centres commerciaux: les soins de santé se voient ainsi présentés comme une offre parallèle aux activités de shopping.
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Kioske de santé à Hamburg  |  Image: AOK Rheinland/Hamburg.
Aux États-Unis, cette fusion du commerce de détail et de la prise en charge par le généraliste a déjà progressé, avec d'innombrables «Retail Clinics», où du personnel de santé non médical intervient parfois pour des blessures mineures et des affections banales. La chaîne de supermarchés Target exploite par exemple 78 «Target Clinics».
Néanmoins, Walmart, le plus grand groupe de commerce de détail au monde, vient d'annoncer la fermeture de ses 51 «Health Centers» aux États-Unis, ainsi que la suppression de son service de télémédecine (voir plus).
La raison évoquée par l'entreprise pour justifier ces décisions rappelle quelque peu l'argumentaire des hôpitaux suisses: «la gestion de la rémunération» est «un défi», explique Walmart. Et l'augmentation des coûts d'exploitation rendrait difficile la réalisation de marges décentes.
Un constat qui suggère à nouveau que l'activité de soins de base pourrait être mieux assurée par de petites structures que par des acteurs de la taille de Walmart.
À un autre niveau, expliquent les auteurs de l'étude, figure l'offre Telemed. Là encore, les entreprises de vente au détail, Retailer, occupent une place de plus en plus importante.
Les consultations vidéo servaient initialement essentiellement à la première consultation et au triage. Désormais, elles sont bien plus utilisées pour la gestion des maladies chroniques et pour permettre le Hospital@Home, c'est-à-dire les soins à domicile de patients qui seraient autrement soignés à l'hôpital ou dans une maison de retraite.
Là aussi, selon la thèse avancée, les détaillants pourraient un jour assumer un rôle plus important. Prenons un exemple: le distributeur d'électronique Best Buy (en quelque sorte le Media Markt américain) se charge, pour le compte de groupes hospitaliers comme Atrium Health ou le General Brigham Hospital, de l'installation des appareils médicaux dont les patients Hospital@Home et les patients en soins à domicile ont besoin.
Dans le cadre d'un projet pilote avec le groupe hospitalier Geisinger Health, Best Buy est également impliqué dans les services de surveillance et de monitoring des patients souffrant d'hypertension.
Ce qui nous pousse à envisager une autre étape. À cet égard, la question qui se pose est la suivante: que pourrait-on gagner en combinant – en forçant un peu le trait – la carte Cumulus de Migros ou la Supercard de Coop avec le DEP ?
Imaginons un monde dans lequel les détaillants (bien entendu soutenus par des programmes d'IA et de deep learning) proposent aux clients des recettes et des offres de produits alimentaires qui répondent à leurs besoins en matière de santé.
Une expérience italienne a illustré ce propos à un niveau plus général: en analysant les données des clients – c'est-à-dire leur comportement d'achat dans une chaîne de supermarchés – il a été possible de prédire l'apparition et le développement d'une épidémie de grippe.

Mêmes préoccupations en matière de personnel

Dernier exemple présenté par les auteurs: l'extension du commerce de détail aux offres de santé pourrait également ouvrir de nouvelles opportunités sur le marché du personnel.
Car quel autre lien existe-t-il entre le commerce de détail et le secteur de la santé? Un manque prononcé de personnel qualifié. Parallèlement, les deux secteurs sont en quête de professionnels ayant un bon contact humain.
Walmart profite déjà de cette proximité naturelle et propose à ses employés de supermarché la possibilité de suivre une formation continue, par exemple en tant qu'opticiens, coachs de santé ou assistantes médicales. Le groupe entend ainsi élargir les possibilités offertes à son personnel alors même qu'il continue de supprimer des postes dans le secteur stationnaire traditionnel des supermarchés.
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