Télésurveillance et numérique: est-ce encore du soin?

L’hôpital cantonal de Lucerne mise sur les soins virtuels: les patients peuvent désormais être suivis à distance. Cependant, cette innovation ne fait pas l'unanimité auprès du personnel soignant.

, 10 avril 2025 à 12:45
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Des soins à double échelle : au chevet du patient (à droite) et virtuellement via le réseau informatique et la vidéosurveillance (à gauche). | Luks
À Lucerne, le groupe LUKS (Hôpital cantonal de Lucerne) adopte une approche novatrice dans la prise en charge des patients. Six infirmières et infirmiers spécialisés sont désormais chargés de surveiller, à distance, les courbes ECG et les paramètres vitaux de patients souffrant de troubles cardiaques. Installés devant des écrans, ils utilisent également un système de vidéosurveillance. En cas de besoin, ils peuvent déclencher une alarme à distance. L’hôpital envisage même de remplacer à terme les gardes de nuit par un dispositif de surveillance informatisée.
Michael Döring, Chief Nursing Officer du groupe LUKS, ne tarit pas d’éloges sur cette évolution. Pour lui, les soins virtuels représentent une formidable opportunité: «Les solutions numériques nous permettent de prendre en charge nos patientes et patients de manière plus ciblée et personnalisée. Cela améliore non seulement la sécurité, mais permettra également de soulager notre personnel soignant au quotidien», affirme-t-il.

Inquiétudes face à l’informatisation des soins

Cependant, cette transition vers le numérique ne fait pas l’unanimité. De nombreux professionnels de santé expriment déjà leur malaise: ils passent trop de temps devant un écran et pas assez auprès des patients. La réduction des contacts humains directs suscite aussi des inquiétudes quant à la qualité de la relation de soin.
Yvonne Ribi, directrice de l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI), reconnaît que cette transformation peut être «plutôt difficile» pour une partie du personnel infirmier. Elle nuance néanmoins: «Il y a certainement des collègues qui s’intéressent à de tels rôles liés à la transformation numérique. Pour l’ASI, il est important que tout le monde soit impliqué», souligne-t-elle.

Utile pour les travaux de routine

Medinside a interrogé Yvonne Ribi sur le véritable impact de ces soins virtuels: permettent-ils réellement de soulager le personnel soignant ou ne font-ils que déplacer le travail du lit du patient vers les écrans? «Si la suppression des tâches de routine libère du temps pour un travail infirmier ciblé, l’effet est positif. En revanche, si les outils génèrent un surcroît de travail ou ne fonctionnent pas correctement, ils produisent l’effet inverse», précise-t-elle.
Elle insiste sur l’importance de l’utilité concrète de ces outils: les soins numériques doivent bénéficier aux patients tout en apportant une réelle valeur ajoutée aux professionnels. Elle admet toutefois ne pas connaître suffisamment en détail le système mis en place par le LUKS pour en évaluer les effets.

Vers de nouveaux rôles infirmiers

Yvonne Ribi est consciente que le profil des soins infirmiers va évoluer dans les années à venir. «Le travail avec et auprès des personnes est et restera le cœur de notre profession. Il demeurera indispensable. Mais il est essentiel de permettre aux soignants de tirer parti des opportunités offertes par les technologies numériques. De nouveaux rôles pourraient ainsi émerger», conclut-elle.
Lucerne: des visites virtuelles pour remplacer les gardes. Avec «Virtual Care», le groupe hospitalier cantonal de Lucerne introduit une nouvelle forme de prise en charge médicale: les soins peuvent désormais être prodigués à distance, indépendamment du lieu de séjour.

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