Santé et capital-investissement: un mariage dangereux?

Plusieurs fonds de private equity investissent dans la santé. Mais à quel prix? Une étude révèle des conséquences inquiétantes pour les patients.

, 30 décembre 2024 à 15:02
dernière mise à jour le 28 février 2025 à 15:01
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Hôpital aux Etats-Unis | Image symbolique: Robert Linder via Unsplash
En Suisse, les sociétés de capital-investissement jouent un rôle plutôt marginal dans le secteur de la santé. Elles investissent éventuellement dans des centres dentaires, des maisons de retraite, ou encore dans la médecine esthétique et reproductive. Cependant, au cœur des soins de base, des soins aigus et de la rééducation, leur présence reste limitée, se traduisant tout au plus par des participations mineures dans des hôpitaux privés.
Aux États-Unis, en revanche, les «requins de la finance» (comme certains les appellent) sont devenus des acteurs si influents que la question des hôpitaux contrôlés par des fonds de private equity constitue un véritable enjeu politique.
Selon les données les plus récentes, environ 390 hôpitaux américains appartiennent à des sociétés d’investissement telles qu’Apollo Global Management, One Equity Partners, Golden Tree ou Bain Capital. De plus, il est bien connu que ces entreprises financières s'intéressent également au secteur hospitalier européen.

Moins d'opérations, plus d'infections

Ces investissements sont-ils bénéfiques pour les patients? Cette question centrale a récemment été abordée dans une étude publiée dans la revue médicale américaine JAMA.
Des médecins du Massachusetts General Hospital, en collaboration avec les universités de Harvard et de Chicago, ont étudié la prévalence des événements indésirables (adverse events) dans les hôpitaux à capitaux privés (private equity).
Pour ce faire, les chercheurs ont analysé les données des systèmes d’assurance Medicare et Medicaid. Ils ont sélectionné plus de 660’000 cas hospitaliers issus de 51 hôpitaux contrôlés par des fonds de private equity et les ont comparés à près de 4,2 millions de patients similaires traités dans d’autres hôpitaux.
Où observe-t-on le plus de complications? Les événements indésirables ont été enregistrés et comparés sur une période de 30 jours suivant la sortie des patients, avec des résultats mesurés pour 10’000 hospitalisations.
Bonne nouvelle: la mortalité ne montrait pas de différence significative entre les deux groupes. Cela dit, les auteurs de l’étude, Sneha Kannan, Joseph Dov Bruch et Zirui Song, invitent tout de même à la prudence sur ce point. En revanche, les autres écarts étaient marqués : globalement, le nombre de séquelles (comme les chutes) et de complications nosocomiales augmentait de plus de 25% chez les patients hospitalisés dans des établissements à capitaux privés.
Par exemple, les cas de bactériémie associée au cathéter étaient particulièrement fréquents (+37%), tandis que les infections chirurgicales des plaies étaient deux fois plus courantes dans ces établissements.

La question de la mortalité

Ces résultats sont d’autant plus frappants que le taux d’interventions chirurgicales dans les hôpitaux à capitaux privés était légèrement inférieur, autour de 8,1%.
L’équipe de Boston et Chicago a également mis en lumière un autre point concernant la mortalité: les patients des hôpitaux contrôlés par des fonds de private equity étaient en moyenne un peu plus jeunes et plus souvent transférés d’un fournisseur à un autre au cours de leur traitement (ce qui suppose qu’ils étaient dans de meilleures conditions pour être transportés). Ces deux éléments auraient dû améliorer leurs chances de survie. Pourtant, aucun avantage significatif n’a été observé en termes de taux de survie.
«Ces résultats soulèvent des inquiétudes quant aux implications des investissements privés dans la prestation de soins de santé», conclut l’étude.

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