La Suisse dépend plus que jamais des médecins étrangers

La Suisse continue de s’appuyer massivement sur les médecins formés à l'étranger. Leur part se rapproche dangereusement de la moitié des effectifs.

, 26 mars 2025 à 13:26
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Image symbolique: Nadine Marfurt/Unsplash
Le nombre de médecins en activité en Suisse a connu une hausse de 3,7% entre 2023 et 2024. Une nouvelle réjouissante pour la Fédération des médecins suisses (FMH), qui publie tout juste ses dernières statistiques. Ce sont ainsi 1'502 praticiens supplémentaires qui viennent s’ajouter au corps médical, portant le total à 42'602 médecins en exercice. Des chiffres encourageants, mais encore insuffisants pour pallier les pénuries actuelles, prévient toutefois la FMH.
Si ces données traduisent une certaine stabilité des effectifs, une rétrospective fait émerger un constat plus préoccupant: la Suisse continue de s’appuyer massivement sur les médecins formés à l’étranger. Leur part, qui s’élevait à 31% en 2014, atteint aujourd’hui 41,3% – se rapprochant ainsi dangereusement de la moitié des effectifs.

41,3% des médecins viennent de l'étranger

En 2024, 17'580 médecins formés à l’étranger exerçaient en Suisse sur un total de 42'602. Le pays dépasse ainsi largement la moyenne des États membres de l’OCDE, établie à 19%. À titre de comparaison, selon les données de l’OECD Health Statistics 2022, cette proportion atteignait environ 25% aux États-Unis et seulement 13,8% en Allemagne.
«La dépendance vis-à-vis de l’étranger comporte des risques: dès que ces pays offriront de meilleures conditions à leur personnel qualifié ou si nos conditions-cadres continuent à se dégrader, la Suisse devra faire face à une pénurie massive», alerte la FMH dans son communiqué. Elle souligne également que ces médecins «manquent ensuite dans le système de santé de leur pays d’origine», ajoutant que plusieurs États ont d’ores et déjà pris des mesures pour conserver leurs professionnels qualifiés.
Selon les chiffres de l'Observatoire suisse de la santé (Obsan), le flux annuel de médecins étrangers entrant en Suisse oscille entre 1'800 et 2'200 depuis plus d'une décennie. Ces praticiens proviennent majoritairement de pays voisins: d’Allemagne (49,4%), d’Italie (9,7%), de France (7,1%) et d’Autriche (6,0%).
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Problème de formation?

Ce constat soulève de nombreuses questions, notamment en matière de formation médicale. Pour la FMH, la priorité est claire: «Afin de réduire sa dépendance envers l’étranger (...), la Suisse doit investir de toute urgence dans un développement plus important de ses capacités de formation prégraduée et postgraduée.»
Mais les moyens sont-ils à la hauteur des besoins? Y a-t-il suffisamment de places de formation? Et une augmentation de ces places est-elle compatible avec le maintien de la qualité de l’enseignement médical?
Entre 2002 et la fin de l’année 2024, environ 2'200 Suisses ont obtenu la reconnaissance, par la Commission des professions médicales, d’un diplôme de médecine humaine obtenu dans un État de l'UE ou de l'AELE. Or, la reconnaissance d'un diplôme ne signifie pas nécessairement que son titulaire exerce ensuite en Suisse en tant que médecin.

Au-delà des frontières suisses

Les pays voisins, comme la France, semble parfois confrontés à des problématiques similaires. Le Ministre de la santé français remettait récemment en cause toutes les formes de numerus dans l'accès aux études de médecine, plaidant pour une augmentation du nombre de praticiens formés – et appelant à ne pas alimenter un phénomène de «brain drain» au détriment d’autres pays.
Parallèlement, les médecins venus de pays hors UE pour exercer en France se trouvent souvent dans des situations précaires: ils travaillent sans reconnaissance officielle de leur diplôme, parfois pendant des années. Leur statut instable a des conséquences directes sur leurs conditions de travail et leur rémunération, souvent fortement dégradées.

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